IL y auoit longtemps que le Pere premeditoit Cette Entreprise, porté d'un très ardent désir d'estendre le Royaume de J. Ch. et de le faire Connoistre et adorer par tous les peuples de ce paÿs. 11 se voioit Comme a la porte de ces nouuelles Nations, lorsque dès l'année 1670 il trauailloit en la Mifsion de la pointe du st. Esprit qui est à 1'extremité du lac superieur aux outaoüacs, il voioit mesme quelquefois plusieurs, de ces nouueaux peuples, desquels il prenoit toutes les Connoissances qu'il pouuoit, c'est ce qui luy a fait faire plusieurs efforts pour commencer cette entreprise, mais tousiour inutilement, et mesme il auoit perdu l’esperance d'en venir à bout lorsque Dieu luy en fit naistre cette occasion.
En L'année 1673 Mr. Le Compte De Frontenac Nostre Gouuerneur, et Mr. Talon alors Nostre Intendant, Connoissant L'Importance de cette découuerte, soit pour chercher vn passage d'icy jusqua la mer de la Chine, par la riuiere qui se décharge a la Mer Vermeille ou Californie, soit qu'on voulu s'asseurer de ce qu'on a dit du depuis, touchant les 2 Royaumes le Theguaïo Et de Quiuira, Limitrophes du Canada, ou l'on tient que les mines d'or sont abondantes, ces Messieurs, dis-ie, nommerent en mesme temps pour Cette entreprise Le Sieur jolyet quils jugerent tres propres pour vn si grand dessein, estant bien aise que Le P. Marquette fut de la partie.
Il ne se tromperent pas dans le choix quils firent du Sr. Jolyet, Car c'estoit un jeune homme natif de ce pays, qui a pour vn tel dessein tous les aduantages qu'on peut souhaiter; Il a L'experience, et La Connoissance des Langues du Pays des Outaoüacs, ou il a passé plusieurs années, il a la Conduitte et la sagesse qui sont les principales parties pour faire reussir vn voyage egalement dangereux et difficile. Enfin il a le Courage pour ne rien apprehender, ou tout est a Craindre, aussi a-t-il remply L'attente qu'on auoit de luy, et si apres auoir passé mille sortes de dangers, il ne fut venu malheureusement faire nauffrage au. port, son Canot ayant tourné au dessous du sault de st. Loüys proche de Montreal, on il a perdu et ses hommes et ses papiers, et d'au il n'a eschapé que par vne espece de Miracle, il ne laissoit rien a souhaiter au succez de son Voyage.
SECTION 1er. DEPART DU P. IACQUES MARQUETTE POUR L'A DÉCOUUERTE DE LA GRANDE RIUIERE APPELUE PAR LES SAUUAGES MISSISIPIPUI CONDUIT AU NOUUEAU MEXIQUE.
LE jour de L'IMMACULfE CONCEPTION de la Ste-.VIERGE, que I'auois tousjour Inuoquée depuis que je suis en ce pays des outaoüacs, pour obtenir de Dieu la grace de pouuoir visiter les Nations qui sont Sur la Riuiere de Mississippi, fut justement Celuy auquel arriua Mr. jollyet auec les ordres de Mr. le Comte de frontenac Nostre Gouuerneur et de Mr. Talon Nostre Intendant, pour faire auec moy Cette decouuerte. Je fus d'autant plus rauy de Cette bonne nouuelle, que je voiois que mes desseins alloient être accomplis, et que je me trouuois dans une heureuse necessité d'exposer ma vie pour le salut de tons ces peuples, et particulierement pour les Ilinois qui m'auoient prié auec beaucoup d'instance lorsque J'estois a la pointe du st. Esprit de leur porter chez Eux la parole de Dieu.
Nous ne fusmes pas long temps a preparer tout nostre Equippage, quoy que nous nous Engageassions en vn voyage dont nous ne pouuions pas preuoir la durée; Du Bled D'Inde auec quelque viande boucanée, furent toutes nos prouisions, auee lesqu'elles nous nous Embarquammes sur 2 Canotz d’écorce, Mr. jollyet et moy, auec 5 hommes, bien resolus a tout faire et a tout souffrir pour une si glorieuse Entreprise.
Ce fut donc Le 17e jour de may 1673 que nous partimes de la Mission de st. Ignace a Michilimakinac, ou j'estois pour Lors; La joye que nous auions d'être choisis pour Cette Expedition, animoit nos Courages et nous rendoit agreables les peines que nous anions a ramer depuis le matin jusqu'au soir; et parceque Nous allions chercher des pays Inconnus, Nous apportammes toutes les precautions que nous pûmes, affinque si nostre Entreprise estoit hazardeuse elle ne fut pas temeraire; pour ce suject nous primes toutes les Connoissances que nous pumes des sauuages qui auoient frequenté ces endroicts là, et mesme nous traçames sur leur raport une Carte de tout ce Nouueau pays; nous y fimes marquer les riuieres, sur lesquelles nous deuions nauiger, les noms des peuples et des lieux, par lesquels nous deuions passer, le Cours de la grande Riuiere, et quels rund, deuions tenir quand nous y serions.
Sur tout je mis nostre voyage soubs la protection de la Ste. Vierge Immaculée, luv promettant, cue si elle nous faisoit la grace de découurir la grande Riuiere, je luy donnerois Le Nom de la Conception et que je ferois aussi porter ce nom a la premiere Mission que j'établyrois chez Ces Nouueaux peuples, ce que jay fait de vray chez les Ilinois.